Sur l'île de Spinalonga, que l'on peut rejoindre à partir du port d'Agios Nikolaos, se dresse une magnifique forteresse édifiée à la fin du XVIème siècle par les Vénitiens
Après avoir résisté près de 50 ans aux Turcs, l'île accueillit tous les lépreux crétois qui furent déportés là de 1904 à 1957 et c'est une ville fantôme que l'on visite
On restaure quelques anciennes habitations pour en faire des boutiques.
L'église orthodoxe est le seul lieu encore entretenu.
Un débarcadère près de la porte de Dante permettait aux paysans voisins de venir vendre leurs denrées aux lépreux, souvent à des tarifs exagérés car ceux-ci bénéficiaient d'une pension qui leur donnait une certaine aisance.
Les ruines du cimetière gardent la trace de ceux qui sont passés là sans toujours être atteints d'une maladie que l'on croyait beaucoup plus contagieuse qu'elle n'est réellement.
Un tour de l'île à pied puis en bateau permet de se rendre compte de l'importance des fortifications.
Du beurre, elle en a fait des tonnes, la mémé d'Hervé Bellec au cours de sa longue vie en pays Pourleth. Et, avant qu'elle ne disparaisse, en bon historien qu'il est devenu, il a décidé d'enregistrer ses souvenirs, qu'elle livre avec une réticence feinte, considérant qu"elle n'a rien d'intéressant à raconter. Entremêlés avec ses propres souvenirs de petit parigot, venu chaque été se ressourcer au pays, cela donne pourtant un monde d'odeurs, de couleurs et de dures réalités des paysans bretons pendant tout le vingtième siècle, le tout en une langue savoureuse, tendrement ironique.
Pierre Jolivet a choisi la fiction pour décrire l'enquête mené par Inès Léraud sur la prolifération des algues vertes qui avait déjà donné lieu à une BD. Cela permet sans doute mieux qu'un documentaire d'illustrer la progression et la complexité de l'enquête et de décrire l'omerta qui règne en Bretagne autour de ce sujet brûlant. Autorités locales et régionales obtiennent de la justice qu'aucun lien ne puisse être établi entre les décès d'un camionneur transportant les algues, d'un joggeur, de sangliers, de chevaux et les gaz issus de la putréfaction de ces algues. Et la FNSEA, puissant syndicat agricole, est aussi à la manoeuvre pour faire pression sur toute velléité de démontrer ce lien.
Céline Sallette incarne à merveille l'opiniâtreté de la journaliste lanceuse d'alerte et les presque 300 000 entrées réalisées par le film démontrent l'intérêt suscité par la question.
Knossos ( ou Cnossos) est le site le plus visité de la Crête. C'est le plus important palais de l'époque minoenne, une civilisation de l'âge de bronze (environ 1900 av JC jusqu'à environ 1300 av JC. Le souvenir de cette civilisation brillante est resté inscrit dans les mythes grecs (notamment le mythe du minotaure, cet homme à la tête de taureau enfermé dans le labyrinthe par le roi Minos).
En 1878, Minos Kalokerinos découvre des formes circulaires, probablement des puits à offrandes. C'est le début des fouilles qui seront surtout l'oeuvre du britannique Arthur Evans, qui achète le site et le fouille à partir de 1900. Mais ses reconstructions d'une partie du site sont aujourd'hui très critiquées et empêchent le site d'être inscrit au patrimoine mondial.
L'une des entrées du palais
Il est difficile pour nous de se représenter le palais de Knossos, qui est, à vrai dire, une ville, non fortifiée et sans véritables rues. Les circulations se faisaient par des coursives et des escaliers intérieurs et il devait être très facile de s'y perdre (d'où peut-être le mythe du labyrinthe). Ici et là des puits de lumière, rendaient habitables les étages inférieurs.
Cette vidéo (en anglais) permet de comprendre l'organisation générale de la ville-palais
Les puits à offrandes, dont la découverte a permis de commencer les fouilles sur le site
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Il n'est pas simple de reconstituer ce que pouvait être le palais d'après ce qu'il en restait sous 30 mètres de sols.
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Arthur Evans a reconstruit par endroits ce qu'il pensait correspondre à la réalité et qui est aujourd'hui décrié, compte tenu des connaissances actuelles.
Plus de 150 grandes jarres ont été retrouvées dans des magasins. Ils nous apprennent que le palais était non seulement le centre politique et religieux mais aussi le centre économique d'une puissance maritime qui commerçait avec l'Egypte, la Syrie et la Sicile.
Un des puits de lumière qui permettaient d'éclairer des pièces des étages inférieurs, lesquelles devaient profiter d'une certaine fraîcheur.
La "salle du trône", probablement l'un des centres religieux du palais, même si l'on sait relativement peu de choses sur l'organisation de la cité puisque l'écriture de cette époque n'a pas pu être déchiffrée.
De nombreuses fresques ont été découvertes, qui montrent le niveau extraordinaire atteint par les arts à cette époque reculée.La tauromachie, souvent représentée, avait probablement une dimension religieuse.
Une éruption du volcan de l'île Santorin, vers 1600 av JC, si elle n'a pas détruit le palais lui-même a porté un coup fatal à la puissance de la civilisation minoenne que les Grecs du continent finiront par dominer tout en empruntant bien des aspect de leur civilisation.
Pour approfondir, on pourra visionner l'excellente vidéo d'Arcana (24 minutes)
Un film un peu foutraque sur un cinéaste vieillissant qui tourne un nouveau film dans des conditions difficiles, entre son épouse qui le quitte, son producteur qui fait faillite et sa fille qui s'amourache d'un vieil ambassadeur. Le thème du film lui-même sur l'année 1956 explore le difficile choix qui s'impose aux communistes italiens de suivre ou non les directives soviétiques après la mise au pas de Budapest.
Mais c'est plein de fantaisie et, au passage, de réflexions sur l'art et le cinéma (intervention d'émissaires de Netflix et de producteurs coréens). La fin en forme de parade, est magnifique.
Sans classe ni place, l'improbable histoire d'un garçon venu de nulle part, Norbert Alter, Presses Universitaires de France, 2022, 299 pages.
Le nulle part n'est pas géographique mais social. Pierre vient d'une famille (père taulard, mère sans limite affective) qui ne lui permet pas de se situer. Il éprouve donc mille difficultés à s'insérer dans le monde scolaire et dans le monde social dont il ne connaît pas les codes. Mais il est très doué pour se débrouiller partout et trouve souvent de bonnes fées qui, séduites par son charme, l'aident à franchir les portes.
Norbert Alter, sociologue, signe un récit en grande partie autobiographique, mais avec le recul que lui permet sa formation. Il remet en partie en cause le déterminisme social et donne une leçon d'espoir: même si on n'échappe jamais tout à fait à ses origines, il est possible de bâtir sa propre histoire.
Une fois de plus, l'abbaye de Daoulas, propriété du Conseil départemental du Finistère, propose une exposition de grande valeur qui s'articule en cinq volets:
Donner du sens
Mourir et après?
Vers un autre monde?
Nous et les morts?
Dénouer les liens
Une belle mise en scène et une multitude d'objets et de documents permettent de faire le tour de la question.
Cercueil du Ghana
Corbillard. La décoration n'était pas la même pour tous. Elle dépendait de la classe et donc du prix payé pour les obsèques.
Convoi d'une jeune fille à Monterfil, peinture d'Amédée Guérard, 1861
Quand on relevait la tombe, on gardait les ossements dans les ossuaires, mais il arrivait aussi qu'on entrepose les crânes dans de petites boîtes.
Le deuil doit être visible. Il se traduit notamment par des tenues spécifiques qui varient suivant les lieux. Chez nous, le noir est de rigueur.
En Bretagne, la mort est symbolisée par l'Ankou, omniprésent, avec sa faux, comme dans l'église Saint-Mathieu de Morlaix ou sur cette gravure de Jean Urvoy, 1960.
Le devenir de l'âme est une préoccupation qui donne lieu à de multiples représentations. Célébration des élus accédant au paradis et épouvante de l'enfer.
Et jusqu'au jeu de la marelle, ici astucieusement utilisé pour passer d'un salle à l'autre, rappelle aux enfants quelle est la destination dernière.
Et pour ceux qui ont fauté, il faudra revenir hanter le monde des vivants, comme ces lavandières de la nuit de Yann d'Argent, qui reviennent laver leur linceul chaque nuit jusqu'à ce qu'un imprudent accepte de les aider à tordre ledit linceul et ainsi prendre leur place.
Se souvenir des morts, en gardant, par exemple, un objet leur ayant appartenu.
Erwan Chartier-Le Floch, Laure Le Fur, 1940-1945, La Bretagne occupée, des photos inédites prises par les soldats allemands, éditions Le Télégramme, 2023, 173 pages.
Un ouvrage très richement illustré en grande partie grâce à une collection privée (celle d'André Le Corre) de photos prises par des soldats allemands. Rien de fondamentalement nouveau mais un regard différent sur l'occupation. D'autres photos, notamment du Fonds d'archives de Lorient, permettent d'étoffer les chapitres consacrés à la Libération.
Villequier est un village situé sur la rive droite de la Seine, à quelques kilomètres en aval de Caudebec-en-Caux
Il est célèbre grâce à un poème de Victor Hugo que nous sommes nombreux à avoir appris à l'école:
"Demain, dès l'aube,à l'heure ou blanchit la campagne
je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends..."
Car c'est non loin de là que Léopoldine, la fille de l'écrivain, s'est noyée avec son mari après que leur voilier ait chaviré. Ils étaient mariés depuis six mois et elle avait 19 ans.
La maison de sa belle-famille, achetée en 1951 par le département de Seine-Maritime est devenue un musée dédié au grand écrivain
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Elle illustre ce que pouvait être le décor d'une villégiature bourgeoise du XIXème siècle, la famille Vacquerie, des armateurs havrais, illustrant parfaitement cette catégorie sociale.
Victor Hugo et ses petits enfants
Plusieurs salles sont consacrées à Victor Hugo, à son oeuvre, à son exil à Guernesey, à ses funérailles. Mais je n'ai malheureusement pas pris beaucoup de photos de cet aspect
Et il n'est pas interdit de gravir les pentes qui mènent à l'église et au tombeau de Léopoldine et de déposer
L'abbaye est très ancienne puisqu'elle a été créée en 649 par un moine, Wandrille sur un terrain cédé par un maire du palais de Clovis II.
Elle a subi bien des vicissitudes, alternant périodes de prospérité et catastrophes telles que assauts des vickings qui l'incendient en 852 ou la Révolution qui la voit devenir manufacture puis carrière de pierres.
Ce qui reste aujourd'hui où une communauté d'une trentaine de moines subsiste est cependant spectaculaire
Ce sont surtout les bâtiments du XVIIème et XVIIIème siècles, lorsque l'abbaye entre dans la congrégation de saint-Maur
De l'immense abbatiale des XIème-XIIIème siècles, seule une partie du transept a échappé aux pioches des démolisseurs et sa hauteur dit assez ce que devait être l'édifice de même que la base des piliers donne une idée de sa surface.
Le cloître gothique des XIVème, XVème et XVIème siècle est actuellement en rénovation
On y a trouvé des traces des peintures d'origine.
Une vierge du XIVème siècle et une magnifique double porte contribuent à la splendeur des lieux
Une ancienne grange d'un prieuré a été transférée ici et sert désormais de lieu de culte pour l'abbaye.
On y a installé une mise au tombeau provenant de l'ancienne abbatiale et le reliquaire de saint-Wandrille