Après avoir évoqué son enfance dans "En finir avec Eddy Bellegueule" puis s'être interrogé sur son père dans "Qui a tué mon père", Edouard Louis s'attarde sur sa mère et sur sa surprenante libération puisqu'après vingt ans d'enfermement dans son village picard et dans le cercle de violence où l'a maintenu son mari, elle parvient, contre toute attente, à le mettre à la porte et à refaire sa vie à Paris.
Comme dans les précédents ouvrages, l'auteur , dans un style extrêmement dépouillé, accumule les petits épisodes qui font l'aliénation, décrit l'engrenage des malheurs qui semblent s'acharner sur la famille mais laisse une porte ouverte sur l'espoir.
Edouard Louis poursuit son autobiographie en revenant sur son père qu'il avait particulièrement chargé dans son premier ouvrage. Ici, il essaye de le comprendre et même de lui pardonner en analysant les causes qui l'ont amené à être ce qu'il est. C'est la société, c'est l'économie, c'est la politique qui produit et reproduit encore ce type d'homme chez lequel, en grattant un peu, on peut découvrir ce qu'il aurait pu devenir en d'autres circonstances.
Dans un style épuré, l'auteur réussit une oeuvre d'une grande sensibilité et pleine d'émotion.
Eddy Bellegueule (le véritable nom de l'auteur) n'en peut plus de sa famille où règnent la misère, le machisme et l'alcool. De plus, son allure efféminée lui vaut sarcasmes et harcèlement, notamment au collège où deux garçons plus vieux le maltraitent presque quotidiennement. La seule solution est la fuite et c'est l'école qui lui permettra de réaliser ce rêve.
Le roman est une description réaliste de la misère dans toutes ses dimensions, financière et matérielle, bien évidemment, mais aussi affective et sociale, de sa répétition systématique, de génération en génération, comme une fatalité. Et elle est permise par l'échappée d'Edouard Louis à son milieu d'origine. Car, d'ordinaire, ces gens-là n'ont pas l'occasion ni les moyens de se raconter.