Folio, La Table Ronde, 2019, 277 pages.

C'est un ouvrage singulier que Joseph Ponthus, trop tôt emporté par un cancer à l'âge de 42 ans, nous livre. Ecrit en vers libres, sans aucune ponctuation, il raconte en courts chapitres, les impressions d'un intérimaire qui multiplie les missions dans des usines agro-alimentaires bretonnes. Pour suivre la femme de sa vie, à Lorient et en attendant un hypothétique emploi dans sa profession d'éducateur.

Au jour le jour, les tâches répétitives, harassantes, dans les usines de transformation des produits de la mer ou dans les abattoirs, les tâches les moins nobles, comme de pousser les carcasses de vaches sur des rails qui les mèneront à la découpe, les remarques des petits chefs, l'incertitude d'un emploi pour le lendemain.

"De quoi rêvent-ils
Toutes les siestes
Toutes les nuits
Ceux qui sont aux abats
Et qui
Tous les jours que l'abattoir fait
Voient tomber les têtes de vaches de l'étage supérieur
Prennent une tête par une
La calent entre des crocs d'acier sur une machine idoine
Découpent les joues les babines puis jettent
les mâchoires et le reste du crâne
Huit heures par jour en tête à tête".

Roman, Maxime CHATTAM

Albin Michel, 2020, 400 pages.

Sortant d'une rupture sentimentale, Hugo décide d'accepter un emploi pour l'été à Val Quarios, une petite station familiale de ski, loin de tout et qui ferme l'été. Mais, très vite, dans ce huis clos où cohabitent une douzaine de saisonniers, apparaissent des choses bizarres et une disparition inexpliquée alourdit le climat. Il décide alors d'enquêter sur les secrets terrifiants qui l'entourent.

Peu friand de ce genre de littérature, je me suis cependant laissé prendre par le suspense et ai lu le roman d'un trait.

Olivier Polard, André Hascoët, Bernard Louédec, Jacques Balcon
Plage Guérin Editions, 2019, 196 pages.

Sous le Second Empire, la ville de Brest, corsetée dans ses murailles, doit trouver de la place pour une population trop importante. Une partie de la commune de Lambézellec est annexée et les prémices de ce qui deviendra le quartier de Saint-Martin se mettent en place.

Olivier Polard et ses collaborateurs retracent l'histoire de la place Guérin, centre d'un quartier populaire où cohabitent gens modestes, artistes, étudiants et marginaux de tous poils, avec une place particulière pour la Foire aux Croûtes, née en 1990.

C'est un récit haut en couleurs avec une pointe de nostalgie car le combat est rude face à la gentrification rampante...

Servir l'Etat, former la jeunesse

Yannick Clavé, éditions Septentrion Presses Universitaires, 2021, 563 pages.

Cet ouvrage est le condensé d'une thèse d'histoire contemporaine présentée en 2018. Il débute par l'étude sociologique de 148 proviseurs, la plupart du temps anciens professeurs et très souvent passés par la fonction de censeur. Ils sont souvent agrégés, notamment après 1902 où cela devient obligatoire et où on essaie de séparer les carrières des proviseurs et des censeurs.

La deuxième partie est consacrée à la construction de la carrière. Bien qu'une certaine stabilité soit recommandée par les autorités qui procèdent aux nominations, la réalité est plutôt une très grande mobilité tant il est nécessaire de changer de poste pour espérer arriver aux postes parisiens, beaucoup mieux rémunérés, le tout dans un siècle où il est bon de s'adapter aux différents régimes politiques et de faire face à la concurrence des congrégations.

La troisième partie décrit le proviseur en action, véritable homme orchestre, assommé de tâches administratives et qui ne doit pas négliger les aspects matériels et financiers, s'attacher à en imposer quand il reçoit dans son cabinet ou dans son appartement de fonction, faire preuve de distinction et occuper une place dans la société locale et dans la société universitaire. Inscrit dans une chaîne hiérarchique, il doit pouvoir courber l'échine devant les autorités supérieures et imposer son autorité aux différents personnels de son établissement. Son rôle d'éducation est aussi important. Il doit savoir tenir les élèves, gérer les tensions avec les parents et le premier étalon de sa réussite est l'augmentation des effectifs. Son rôle pédagogique, souvent contesté par les professeurs qu'il doit pourtant réunir et dont il préside les conseils passe souvent par sa capacité à faire passer les différentes réformes dont, par exemple l'assouplissement de la discipline à la fin du XIXème siècle, après les révoltes d'élèves.

Au total, un livre très intéressant et qui , par bien des aspects, montre des permanences dans la situation de ces personnels au siècle suivant.

Le titre in extenso de l'ouvrage "Album du voyage de Napoléon III à Brest, l'essor d'une ville - 1852-1870" (éditions Skol Vreizh, 2019, 135 p) dit le désir de ne pas se limiter au caractère anecdotique  de ce déplacement, même s'il ne manque pas de panache. Arlette Roudaut replace l'événement dans son contexte politique, économique et social. L'Empereur, au sommet de sa gloire, fait un voyage de propagande destiné à séduire une province traditionnellement hostile et à la convaincre de rallier la politique de développement économique dont elle pourrait profiter. Les notables de Brest, quant à eux, attendent les retombées pour leur ville des investissements de l'Empire pour le port  dans ses dimensions militaires et économiques.

C'est, de plus, un magnifique ouvrage richement illustré par une abondante iconographie, en partie inédite.