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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 17:57

A-quoi-sert-l-histoire.jpgSous la direction d'Emmanuel Laurentin, aux éditions Bayard, 2010, 174 p.
Je vous entends vous dire "que lui arrive-t-il?". Non je ne retombe pas en enfance, ou plutôt en jeunesse, quand nos chers maîtres nous faisaient lire des ouvrages sur ce thème pour tenter de nous faire comprendre dans quelle voie nous nous étions engagés, un peu par hasard parfois.
Ici, c'est plutôt un devoir de vacances rendu en retard. Je vous explique: Laurence m'a offert ce livre cet été, se disant sans doute qu'il était temps que son vieux père procède à une remise à niveau, pendant que son dernier neurone fonctionne encore. Ce livre a occupé une place variable dans la pile de ceux qui attendent à mon chevet et puis s'est retrouvé sur le dessus, probablement après le passage du chiffon qui enlève la poussière.

Une fois commencé, je l'ai lu d'un trait. Ce n'est pas fatigant: 43 historiens qui furent interviewés dans l'émission "La fabrique de l'histoire", sur France Culture, ont répondu à la question de septembre 2009 à juillet 2010 et ceci en cinq pages maximum. On peut lire deux ou trois contributions avant de s'endormir ou lors d'une insomnie. C'est radical, on s'endort aussitôt... (non, je plaisante).

Florilège:
Je passe sur tous ceux qui font référence à Marc Bloch et son fameux ouvrage de 1940, ils sont nombreux.

D'Emmanuel Droit, maître de conférences à Rennes II, que je ne connais pas (mais cet ouvrage m'a montré que je ne connaissais plus grand'monde): "L'histoire incarne donc une forme de résistance nécessaire face aux simplifications, aux raccourcis, aux négations, aux tentatives d'intrumentalisation et de réécriture du passé".

De Philippe Artières, chargé de recherche au CNRS, dont toute la contribution mériterait d'être citée, qui décrit la nécessité de s'intéresser aux hommes de rien:" Il en est de cet inconnu trouvé le 9 janvier 1894 (pendu) au mileu des arbres comme de la grande majorité des hommes du XIXème siècle: ils ont des existences végétales. Ils disparaissent sans rien laisser, ils ont vécu de peu et, au dernier jour, ce qu'ils possèdent disparaît avec eux. De véritables vies éphémères. Ils passent. Ils sont dans la foule anonyme que décrivent les romanciers, ils sont chez les peintres ceux qui n'ont pas droit au détail, ils sont sur les photographies ceux qu'on ne voit que de dos (...). Devenir le biographe de ces passants de l'histoire (...). Composer ainsi une galerie de portraits de ceux que l'histoire n'a pas retenus".

De Nicolas Offenstadt, Maître de conf. à Panthéon-Sorbonne (sur-représentée dans le panel mais on ne réfléchit bien qu'à Paris, n'est-il pas?): "Ainsi le regard et la méthode de l'historien peuvent et doivent servir  pour lire aussi notre présent, avec ses roueries, ses fausses évidences, ses apparences et ses relativismes. L'histoire enseigne que rien n'est naturel, ni le bon sens, ni le sens commun, qui sont aussi de beaux discours qu'il faut décrypter et remettre en ordre, dont il faut chercher les intentions".

De Christine Bard, professeur à L'Université d'Angers: "Pour reprendre la formule de Pasolini, "l'histoire c'est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères", je dirai qu'elle est aussi la passion des filles (et des fils) qui veulent comprendre les mères, les grands-mères et qu'elle est aussi une manière de se comprendre soi-même par des allers -retours incessants entre l'individu et le collectif, comme le fait Martine Sonnet brassant avec sa propre histoire celle de son père et celle des ouvriers de l'Atelier 62 chez Renault. Sauver des traces ... avant que tout ne devienne poussière".

De Mathieu Flonneau, maître de conf à Panthéon-Sorbonne:  "C'est un luxe que de pouvoir faire de l'histoire, de ne pas être immergé dans le présent, dans le flux de la vie souvent brouillonne, de pouvoir adopter une posture décalée, intempestive, hors du temps et aussi potentiellement critique".

Enfin, de Claire Sorinel, professeur à Paris-Est-Créteil: "L'histoire est aussi un plaisir d'intelligence, et en cela, elle est en même temps merveilleusemment inutile et indispensable".

Et bien d'autres choses intéressantes encore que vous pouvez découvrir en lisant ce petit bouquin très instructif.

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commentaires

L
Je suis en retard, je n'avais même pas vu cet article. Contente de voir que tonn neurone fonctionne encore bien!
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F
<br /> Sur ce même sujet, je viens de terrminer la lecture du beau livre de François Chappé, Histoire, mémoire, patrimoine, Rennes, PUR, 2010. La réflexion est très dense, l'écriture chaleureuse : un<br /> modèle d'humanisme citoyen à savourer à petites gorgées. En le lisant, les amis qui ont connu Chappé l'entendent à nouveau parler ...ce qui ne gâte rien !<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Saines lectures, Bernard! Si je peux me permettre d'ajouter mon grain de sel, voici quelques réflexions sur le sujet à paraître dans mon prochain bouquin (aux PUR, en fév. 2012). Rien que pour<br /> agacer un peu, les jeunes sobonagres et sorbonicoles...<br /> " Sans remettre en cause la sincérité de leur démarche, on peut quand même se demander si les ambitions légitimes mises en exergue par les historiens pour défendre et illustrer leur discipline ne<br /> sont pas surtout des justifications a posteriori de leur fonction sociale, sous prétexte que l’histoire sert à dégager les lois qui président au développement des sociétés et donc à former ainsi<br /> des citoyens conscients et éclairés. On pourrait presque parler, avec le sourire, du complexe de la « Princesse de Clèves » pour définir les préoccupations suscitées dans le camp des médiévistes<br /> par la remise en cause de leur statut.<br /> Sans doute serait-il moins gratifiant de reconnaître que l’on fait d’abord de l’histoire pour le plaisir de satisfaire sa propre curiosité ? A la suite d’Oscar Wilde, pourquoi ne pas reconnaître<br /> que « le seul charme du passé, c'est qu'il est le passé » ? J’ajouterais volontiers avec cet auteur que, paradoxalement, « c’est l’incertitude qui nous charme. Tout devient merveilleux dans la<br /> brume ». Autrement dit (et même si cette conception de l’histoire est parfois contestée aujourd’hui), cela revient à souscrire à la célèbre définition des « sciences historiques » par Ernest Renan<br /> comme de « petites sciences conjecturales qui se défont sans cesse après s’être faites ». Ce dernier ajoutait cependant trop modestement «… et qu’on négligera dans cent ans », alors que près d’un<br /> siècle et demi après la publication de ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883), la démarche préconisée par ce savant apparaît comme le fondement de toute méthode scientifique. Les<br /> satisfactions intellectuelles que procure cette activité sont suffisamment divertissantes pour récompenser le chercheur de ses efforts. Je ne bouderai donc pas mon plaisir et je serai déjà heureux<br /> si j’arrivais à faire partager celui-ci par les lecteurs ; tant mieux, si en prime, les hypothèses avancées peuvent leur être utiles dans leur propre réflexion."<br /> <br /> <br />
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