Sous la direction d'Emmanuel Laurentin, aux éditions Bayard, 2010, 174 p.
Je vous entends vous dire "que lui arrive-t-il?". Non je ne retombe pas en enfance, ou plutôt en jeunesse, quand nos chers
maîtres nous faisaient lire des ouvrages sur ce thème pour tenter de nous faire comprendre dans quelle voie nous nous étions engagés, un peu par hasard parfois.
Ici, c'est plutôt un devoir de vacances rendu en retard. Je vous explique: Laurence m'a offert ce livre cet été, se disant sans doute qu'il était temps que son vieux père procède à une
remise à niveau, pendant que son dernier neurone fonctionne encore. Ce livre a occupé une place variable dans la pile de ceux qui attendent à mon chevet et puis s'est retrouvé sur le dessus,
probablement après le passage du chiffon qui enlève la poussière.
Une fois commencé, je l'ai lu d'un trait. Ce n'est pas fatigant: 43 historiens qui furent interviewés dans l'émission "La fabrique de l'histoire", sur France Culture, ont répondu à la question de septembre 2009 à juillet 2010 et ceci en cinq pages maximum. On peut lire deux ou trois contributions avant de s'endormir ou lors d'une insomnie. C'est radical, on s'endort aussitôt... (non, je plaisante).
Florilège:
Je passe sur tous ceux qui font référence à Marc Bloch et son fameux ouvrage de 1940, ils sont nombreux.
D'Emmanuel Droit, maître de conférences à Rennes II, que je ne connais pas (mais cet ouvrage m'a montré que je ne connaissais plus grand'monde): "L'histoire incarne donc une forme de résistance nécessaire face aux simplifications, aux raccourcis, aux négations, aux tentatives d'intrumentalisation et de réécriture du passé".
De Philippe Artières, chargé de recherche au CNRS, dont toute la contribution mériterait d'être citée, qui décrit la nécessité de s'intéresser aux hommes de rien:" Il en est de cet inconnu trouvé le 9 janvier 1894 (pendu) au mileu des arbres comme de la grande majorité des hommes du XIXème siècle: ils ont des existences végétales. Ils disparaissent sans rien laisser, ils ont vécu de peu et, au dernier jour, ce qu'ils possèdent disparaît avec eux. De véritables vies éphémères. Ils passent. Ils sont dans la foule anonyme que décrivent les romanciers, ils sont chez les peintres ceux qui n'ont pas droit au détail, ils sont sur les photographies ceux qu'on ne voit que de dos (...). Devenir le biographe de ces passants de l'histoire (...). Composer ainsi une galerie de portraits de ceux que l'histoire n'a pas retenus".
De Nicolas Offenstadt, Maître de conf. à Panthéon-Sorbonne (sur-représentée dans le panel mais on ne réfléchit bien qu'à Paris, n'est-il pas?): "Ainsi le regard et la méthode de l'historien peuvent et doivent servir pour lire aussi notre présent, avec ses roueries, ses fausses évidences, ses apparences et ses relativismes. L'histoire enseigne que rien n'est naturel, ni le bon sens, ni le sens commun, qui sont aussi de beaux discours qu'il faut décrypter et remettre en ordre, dont il faut chercher les intentions".
De Christine Bard, professeur à L'Université d'Angers: "Pour reprendre la formule de Pasolini, "l'histoire c'est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères", je dirai qu'elle est aussi la passion des filles (et des fils) qui veulent comprendre les mères, les grands-mères et qu'elle est aussi une manière de se comprendre soi-même par des allers -retours incessants entre l'individu et le collectif, comme le fait Martine Sonnet brassant avec sa propre histoire celle de son père et celle des ouvriers de l'Atelier 62 chez Renault. Sauver des traces ... avant que tout ne devienne poussière".
De Mathieu Flonneau, maître de conf à Panthéon-Sorbonne: "C'est un luxe que de pouvoir faire de l'histoire, de ne pas être immergé dans le présent, dans le flux de la vie souvent brouillonne, de pouvoir adopter une posture décalée, intempestive, hors du temps et aussi potentiellement critique".
Enfin, de Claire Sorinel, professeur à Paris-Est-Créteil: "L'histoire est aussi un plaisir d'intelligence, et en cela, elle est en même temps merveilleusemment inutile et indispensable".
Et bien d'autres choses intéressantes encore que vous pouvez découvrir en lisant ce petit bouquin très instructif.